Le soleil disparaissait peu à peu derrière les toitures du centre ville de Géridna. Les ombres s'allongeaient et la pénombre s'installait doucement, rendant aux ruelles étroites leur apparence inquiétante.
Nadrian Steyn marchait lentement, les mains jointes dans le dos, et la tête penchée. La journée avait été rude, et il s'octroyait quelques instants de délassement dans les rues désertes de la ville. L'aventure menée dans la journée avec Enlil en haut des sommets enneigés avait failli tourner au tragique, et la jeune femme se reposait à présent dans la chambre louée à la pension, soignant ses blessures, heureusement superficielles.
Il était temps de rentrer à présent, Enlil pouvait se réveiller et s'inquiéter de son absence. Toutefois le regard de Nadrian fut attiré par le Palais de Justice sur sa gauche. La curiosité l'emportant, il se décida à jeter un oeil à l'intérieur du bâtiment imposant.
Il passa quelques minutes à admirer l'architecture du lieu, jaugeant d'un oeil d'esthète la belle facture de certaines sculptures sur colonnes. A cet heure là, il ne croisa personne au sein de l'établissement public, apparemment les employés avaient déjà fini leur journée. Mais un sourd bruit de voix, provenant d'un couloir un peu vétuste, attira son attention. Il se dirigea donc dans cette direction, dans l'espoir de partager quelques instants avec une personne connaissant le lieu.
Les bruits semblaient provenir d'une salle de garde dont la porte était ouverte... il s'approcha et glissa sa tête discrètement dans l'embrasure.
Deux gardes maintenaient fermement une femme alors qu'un sous-officier se balançait sur son fauteuil en équilibre, les jambes allongées et les pieds posés sur le bureau devant lui et le séparant de la demoiselle. Les hommes invectivaient bruyamment la jeune femme, parfois la brutalisant... Apparemment l'interrogatoire était musclé.... et pourtant la pauvre victime ne s'en laissait pas compter, houspillant à de nombreuses reprises, et avec des mots crus, les "sous-êtres" qui la maintenaient.
Voyant que la situation dégénérait rapidement au détriment de la demoiselle, Nadrian entra dans la pièce.
Commença alors un réquisitoire fort long et fort compliqué pour tenter de faire libérer la jeune femme, interrompu un instant par l'arrivée opportune de Dame Fénia qui apporta sa contribution à la défense. Un compromis fut donc trouvé et l'acussée put sans aller avec quelques garanties.
Nadrian repartit vers la pension alors que la nuit enveloppait la ville. Sa langue claqua plusieurs fois dans sa bouche, signe d'un agacement persistant. La demoiselle était certes libre, mais sous conditions.... Son argumentation n'avait donc pas été si convaincante, ce qui, dans son fort intérieur, ne lui plaisait pas du tout.
C'est donc en maugréant qu'il remonta à l'étage de la pension, et il se convainquit de suivre cette affaire, car en outre la demoiselle lui avait laissé une impression fort étrange.... "Des sous-êtres" avait elle dit ?