B.G. HRP
"Peut-on raconter l'histoire des petits cochons sans le Grand Méchant Loup?
Voyons un peu... Il y a une maison en paille, une autre en bois, une autre en brique. Et ensuite, quoi? Ils fondent une association de quartier? Non... sans le Grand Méchant Loup ça ne marche pas vraiment...
Et pourquoi? Parce qu'une "histoire", c'est un drame. Le vôtre. Le mien. Celui du type qui est en train de la lire dans le métro en face de vous.
Tout est récit, et le simple fait de conter, de narrer, renvoie à cette vérité première : nous avons besoin de crise, d'angoisse, d'attente, d'espoir, de la peur de se tromper, de soif de la vie que nous pensons vouloir et de la déception que nous inspire celle qui est la nôtre.
D'un état de tension qui nous fasse croire à notre importance, à notre capacité à aller au-delà du trivial. Du constat que nous restons constamment dans l'ombre du Grand Méchant Loup, même si nous avons tenté de le nier. De la menace qui se tapit derrière le moindre geste, la moindre décision. Du danger que nous constituons pour nous-mêmes.
Mais qui est le maître d'oeuvre de ces crises, en premier lieu? Qui les invente, qui nous les inflige? certains parlent de Dieu, d'autres de la société. Ou serait-ce la personne que nous avons décidé de charger de tous nos maux, mari, femme, mère, patron? et si c'était nous-mêmes?"
(D.K.)
C'est ce soupçon récurent que nous sommes les artisans de notre propre malheur ainsi que de la cascade de "dommages collatéraux" qui en découle, que j'ai voulu incarner en la personne complexe d'Enlil, charmante et fatigante, ni ange, ni démon, mais humaine à ascendance douteuse revendiquée puis reprimée tour à tour ; à ma façon pas toujours très adroite et avec ma fuite dans les idées ...
Le paradoxe du "qui suis-je?" consistant aussi à se perdre de trop chercher.